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77° anniversaire de la libération du Camp d’Auschwitz-Birkenau

Lyon - 30 janvier 2022

Allocution de M. Jean-Claude Nerson,
Président de l’amicale des anciens déportés d’Auschwitz-Birkenau et des Camps de Haute Silésie
Vice-président de l’association pour l’édification d’un mémorial de la Shoah à Lyon

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Janvier 1945, un froid sibérien s’est abattu depuis plus d’un mois sur Birkenau, Auschwitz 2, selon la terminologie nazie. Ce camp, où plus d’un million de Juifs trouvèrent la mort, condamnés pour leur seule naissance, à un régime concentrationnaire d’une cruauté que l’on à peine à imaginer, est agité par des rumeurs se propageant de baraques en baraques.

Depuis plus de 15 jours on entend le bruit sourd des canons, la nuit, des lueurs font rougeoyer le ciel lourd, une étincelle d’espoir germe dans le cœur des survivants.

Les SS sont très agités, ils exécutent sans relâche, souvent nuit et jour, ne prenant plus le temps d’incinérer les corps, les déportés meurent par centaines chaque jour, terrassés par le froid. Les corps gisent au hasard de ce camp de 170 hectares, dans la neige glacée.

Vers la mi-janvier , les SS décident d’évacuer le camp, seuls les malades et les détenus trop faibles pour marcher, seront laissés sur place. C’est le départ, tout retardataire est froidement abattu, ils se dirigent vers Loslau à 56 Kms. Des milliers d’entre eux ne résistèrent pas au froid , à la faim, à la soif , ils moururent abandonnés sur le trajet de ces « marches de la mort »

Le 27 janvier 1945, il y a 77 ans, une garde à cheval soviétique pénètre dans le camp abandonné par ses gardiens, vision apocalyptique de survivants, errants hagards, les yeux exorbités, vêtus de hardes et chaussés de lambeaux de chaussures entourés de papier provenant de sacs de ciment. Les soldats soviétiques, pourtant habitués aux pires épisodes sont bouleversés ; des récits, des témoignages ont été retrouvés, mais rien ne peut décrire l’horreur de la réalité.

Quelques 7000 détenus, beaucoup dans un état désespéré, restent encore dans le camp. 200 enfants, survivants des expériences du Dr Mengele, sont retrouvés cachés dans les baraques au milieu de centaines de cadavres derrière lesquels ils avaient trouvé une cachette illusoire.

Aujourd’hui, 77 ans après, nous commémorons cette libération des camps, nous nous devons, pour la mémoire de ces suppliciés, de rappeler sans cesse de quoi notre humanité est capable.

Il ne faut pas que la Mémoire s’efface devant les contingences journalières. Ce temps, qui nous parait lointain est très proche en vérité et l’antisémitisme qui a permis l’aboutissement de ces faits odieux, garnit encore la page des faits divers de nos journaux.

Les actes antisémites restent stables dans notre pays, bien que la population française de confession juive, diminue d’année en années. Chassée des communes de banlieue par un islamisme conquérant, victime de ce que le politiquement correct appelle »incivilités », elle s’abstient souvent de déposer des plaintes par peur de représailles.

En 2021, 530 actes à caractère antisémites ont été enregistrés par la police. La pandémie menant au confinement explique, en partie, la non augmentation de ces actes, mais sur Internet, sur les réseaux sociaux, les propos antisémites prolifèrent sans réelles poursuites.

Ces situations sont les mêmes dans la plupart des pays d’Europe et depuis peu aux Etats-Unis où le Wokisme fait la part belle aux antisionistes, partant aux antisémites. Savez-vous que la bande dessinée Maus est interdite depuis peu dans certaines écoles d’Amérique du Nord, car elle n’est plus politiquement correcte ?

L’homme blanc étant responsable de tous les maux, qu’en est-il de l’homme blanc, doublement responsable lorsqu’il est Juif ?

Chaque année le nombre des rescapés d’Auschwitz ou des autres camps de la mort diminue, cette année 2021, c’est Benjamin Orenstein qui nous a quittés.

Chacun d’entre vous se souvient de ce personnage attachant, lui qui avait vécu l’avant-guerre et les prémices de la montée du Nazisme, il nous tenait toujours les mêmes propos : « Ne laissez pas la bête immonde, dont parlait Berthold Brecht, renaître de ses cendres, les conséquences en seraient à nouveau terrifiantes. »

J’ai toute les raisons de penser qu’il voyait juste. Si nous n’y prenons pas garde, mais est-ce encore temps aujourd’hui ? Si nous n’y prenons pas garde, demain nos petits enfants ne pourront plus aller à l’école de la République, demain les professeurs de confession juive, seront boycottés et les intellectuels de même obédience, seront vilipendés sur les réseaux sociaux et jetés en pâture à la vindicte populaire.

L’antisémitisme est un délit dans notre pays, mais il appartient à la Justice de définir si un crime commis par un antisémite peut être qualifié d’antisémite. Toute la différence est dans l’appréciation des Juges et là se trouve le nœud du problème. Il est de mon devoir de vous rappeler cela, en ces lieux où chaque année sont commémorées les victimes de la Shoah, ce génocide du 20éme siècle, inégalé dans l’Histoire.

Il est de mon devoir de vous alerter sur le danger qui plane sur notre société, bien plus préoccupant qu’une pandémie dont nous viendrons à bout. En deux ans, des progrès considérables ont fait avancer la connaissance du virus et ont permis l’élaboration d’un vaccin.

Depuis des millénaires, aucun vaccin n’a permis d’endiguer les vagues successives d’antisémitisme qui se répandent, elles aussi, à travers la planète.

Les variants sont nombreux : l’antisémitisme chrétien des siècles derniers, l’antisémitisme d’extrême droite du début du 20éme siècle, l’antisémitisme islamiste et l’antisémitisme d’extrême gauche qui se montrent aujourd’hui les plus préoccupants. Chaque variant amène son lot d’exactions, de crimes et de victimes innocentes.

Dans un article édifiant et prémonitoire de 1979, le Dr Marc ARON, ce grand humaniste lyonnaisdont une place de Lyon porte le nom, écrivait déjà : « L’antisémitisme est une maladie de l’individu etde la Société, ou plus exactement il est le symptôme d’une maladie sociale. Maladie évoluant sur terrain d’angoisse, maladie endémique, avec soubresauts épidémiques savamment provoqués par les méthodes psychosociales modernes. » La seule thérapie contre ces variants de tous ordres, c’est de rappeler sans cesse ce qu’ils véhiculent de crimes et de massacres.

Dans les camps de Haute Silésie : Auschwitz, Birkenau, Belzec, Chelmno, Maidanek, Sobibor, Treblinka, tout était minutieusement organisé pour l’anéantissement, pour la déshumanisation de l’Être juif. Comme cela avait été planifié il y a 80 ans, le 20 janvier 1942, à la Conférence de Wannsee.
Quelle mécanique de précision, parfaitement huilée pour faire disparaître 6 Millions d’êtres humains de la surface de la Terre !!!!! L’aboutissement en a été Auschwitz dont le nom est devenu synonyme du pire massacre que ’Humanité a connu.

Le 18 octobre 2002, il y a vingt ans cette année, le Conseil de l’Europe décida un jour anniversaire de la Shoah. Le 27 janvier , jour de la libération des camps de Haute Silésie par l’Armée Rouge, fut choisi. Ainsi, dans les 48 pays signataires de la Convention européenne, il fut décidé d’instaurer » la journée de l’Holocauste »

Croyez-vous, Mesdames et Messieurs, que cette décision solennelle ait réussi à éradiquer ce fléau qu’est l’antisémitisme ? Vos réponses, si vous me les donniez à haute voix, seraient sans doute négatives.

Alors, que pouvons-nous faire, sinon répéter inlassablement les messages d’alertes, de vigilance, les actions d’informations, les condamnations sévères, de tous actes relevant de près ou de loin de l’antijudaïsme, et pourtant, lorsqu’il y a 77 ans les portes des camps s’ouvrirent, les rescapés pensaient que jamais plus ils ne seraient persécutés pour le seul délit d’être nés.

De grandes manifestations ont lieu, mais suffisent-elles à rendre stériles les germes de la haine ? A quoi servent ces manifestations si d’autres, plus importantes encore, suivies par des foules en délire, hurlant la haine des Juifs et érigeant les terroristes en martyre et les victimes en coupables, sont organisées par des pays où la rue est manipulée pour servir le pouvoir.

En France même, pays de Descartes et de Voltaire n’a-t-on pas vu des manifestations anti vaccin s’accompagner de slogans accusant les Juifs de profiter de la pandémie.

Victor HUGO écrivait : « Il vient une heure ou protester ne suffit plus, après la philosophie il faut l’Action ».

Pour rappeler la période la plus sombre de notre Histoire, il faut des marqueurs forts, cela implique l’édification de Monuments riches en symboles, où des lieux de Mémoire où les visiteurs pourront retrouver les traces de ceux qui sont morts pour leur seule naissance ou pour leur résistance à l’ennemi.

C’est le cas du Mémorial national de la prison de Montluc, où jamais il ne faudra permettre qu’un amalgame des mémoires fasse oublier le terrible sort des 44 enfants juifs de la Maison d’Izieu ni le sacrifice des Résistants.

C’est le cas du Monument à la Shoah et je remercie le Président de la Métropole de Lyon d’avoir donné son accord, pour que demain il soit érigé Place Carnot, à Lyon.

Ce projet, nous le portons depuis plus de 17 ans, nous avions promis à Benjamin qu’il serait présent pour l’inauguration de ce Monument. Le sort en a décidé autrement.

Alors, ce matin, je demande solennellement, en ce haut lieu de la Résistance lyonnaise, je demande solennellement au Président Bernard de faire tout ce qui est en son pouvoir, comme il nous l’a promis dans son dernier courrier, pour faire avancer sans délai le dossier de la réalisation de ce Mémorial. La Mémoire en a besoin, Lyon en a besoin, la France en a besoin, afin que dans les années futures la « Journée de l’Holocauste » soit dignement commémorée en un lieu dédié à la Shoah, nouveau Massacre des Innocents.

Jean-Claude Nerson

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